Les décors créés par Victor Hugo

Le troisième art de Victor Hugo est celui du décor. C’est l’aspect le plus méconnu de son génie créatif, que le musée est le seul à pouvoir présenter. Hauteville House, à Guernesey, entièrement aménagée par ses soins, reste la maison-œuvre dont Charles Hugo disait qu’elle visait à « l’éducation de l’esprit par la demeure ». Une grande partie des décors réalisés pour Juliette Drouet dans sa maison voisine, Hauteville II, ont été réinstallés dans deux pièces du musée à Paris. Enfin, des éléments épars et des dessins de projets complètent cette vision.

La connaissance que l’on a de l’appartement de la place Royale (place des Vosges) ainsi que celui de la rue de La Tour d’Auvergne qu’il habita ensuite jusqu’à son départ en exil, atteste de l’intérêt pour la décoration et de la part qu’y prend Victor Hugo. Lorsqu’il acquiert Hauteville House à Guernesey, il peut se livrer à cette passion pour aménager la totalité de la maison ainsi que les deux maisons que Juliette Drouet occupe successivement, La Fallue et Hauteville II.

Chargés de symboles, de références à son œuvre et à sa philosophie, et des souvenirs de sa vie, les décors de Hauteville House sont aussi l’expression de son inventivité créatrice, pleine de poésie, d’humour, d’inattendu.

Non sans écho à son écriture, le style décoratif de Victor fonctionne souvent sur l’oxymore, ou l’antithèse. Lui qui parle de « la vieille Hollande chinoise »,  aime marier éléments chinois et gothiques, faire contraster les tapisseries flamandes ou les tapis turcs avec les  carreaux de Delft et les porcelaines japonaises. Il compose ses plafonds en encadrant de bordures de chêne sculpté les tentures d’Aubusson. Il construit les cheminées – emblèmes du foyer par excellence – comme de véritables cathédrales. Il intègre les objets – tapisseries de perles, esclaves porte-torche, meubles anciens – au milieu de ses créations et utilise des services entiers de porcelaine comme matière décorative. Il invente ses propres meubles en faisant réassembler les éléments démembrés de vieux coffres. Pour cela, il embauche toute une équipe locale sous la direction de Peter Mauger (père et fils) ainsi que Tom Gore qui travaillent d’après les dessins qu’il réalise.

Lorsque Juliette Drouet doit quitter La Fallue, maison qu’elle habite tout près, elle acquiert avec Victor Hugo qui lui en laisse l’usufruit, Hauteville II, la première maison que le poète et sa famille avait habité à Guernesey, au 20 de la rue d’Hauteville. Il transforme ainsi, en 1863-1864, les décors qu’il avait créés, mêlant cette fois encore chinoiseries et meubles gothiques. Ce sont surtout les panneaux dessinés, gravés et peints qui caractérisent ce nouveau décor. Ils ornaient en particulier les placards, les volets et boiseries de la salle à manger et de la chambre. Si la formule est aussi utilisée à Hauteville House, elle prend ici toute son ampleur que permet d’apprécier leur réinstallation place des Vosges malgré les changements que celle-ci leur a fait subir. Paul Meurice, qui les avait rachetés à Louis Koch, neveu et héritier de Juliette Drouet, les fit mettre en place pour l’ouverture du musée.

Dès l’achèvement de la décoration de Hauteville House, Victor Hugo en fit faire un reportage photographique par Edmond Bacot, initiant ainsi une longue tradition qui se poursuit aujourd’hui et témoigne de la fascination qu’exerce cette demeure.

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