L’appartement au temps de Victor Hugo

Reloué après le départ de la famille Hugo, transformé plus tard en salles de classe, l’appartement de la place des Vosges a subit bien des métamorphoses. La distribution des pièces a été modifiée, la majeure partie du mobilier a été dispersée, en 1852, lors de la vente provoquée par le départ en exil. Il n’y a guère d’images de l’aménagement à l’époque de Victor Hugo. Cependant, archives, documents conservés au musée ou témoignages de visiteurs nous permettent de retrouver l’atmosphère du lieu.

Les hôtes de Victor Hugo – voir les encadrés - nous ont laissé des descriptions de l’appartement de la place Royale, aujourd’hui place des Vosges. Celles-ci n’évoquent le décor que pour servir de toile de fonds au récit de leur rencontre avec le maître des lieux. Ces témoignages, concernant principalement les pièces de réceptions, restent allusifs et imprécis, s’ils se confortent entre eux, ils se contredisent parfois.

Plusieurs documents nous permettent, malgré quelques incertitudes, de retrouver la topographie et la destination des pièces qui a d’ailleurs changée avec le temps. Le principal est le mémoire du frotteur Guignon, conservé par le musée, qui entretenait les parquets mais aussi les tapis, les meubles, réalisait de travaux de tapisseries, accrochait les tableaux, etc. De très nombreuses factures figurant dans les archives du musée permettent aussi d’entrer dans le détail de la vie domestique de la famille Hugo, tout en évoquant l’activité commerçante du quartier.

Certains détails – cheminée de la salle à manger, meubles « gothiques », goût pour les tapisseries, mariage de tissu et de clous de cuivre – annoncent déjà le décor de Hauteville House.

Visite de l'appartement avec Hans Christian Andersen, en 1833 et 1843

Andersen chez Victor Hugo

Lire la suite

L’escalier de l’hôtel de Rohan-Guéménée a été modifié. A l’époque de Victor Hugo, le palier de l'entrée donnait au milieu de l'actuelle antichambre et laissait la place immédiatement sur la gauche à une cuisine ouvrant sur la cour intérieure, aujourd’hui disparue.

L’antichambre (actuelle salle 1 du musée « antichambre »)

Dès l’antichambre, le goût de Victor Hugo se manifeste : deux grands coffres, plâtres, médaillons de cuivre, tableaux, gravures… Le frotteur Guignon en dénombre jusqu’à quatre-vingt en décembre 1840, date à laquelle on installe entre la porte de la cuisine et celle du salon, une console en acajou pour présenter de l’orfèvrerie.

VASSILI PÉTROVITCH BOTKINE CHEZ VICTOR HUGO, EN 1835

Un visiteur russe chez Victor Hugo

Lire la suite

Le salon des cuirs et la salle à manger (actuelle salle 2 du musée « salon rouge »)

De là, on accède au salon des cuirs qui donne sur la place. Orné de cuirs vernis, à l’exception d’un mur que recouvre sur toute sa hauteur une tapisserie médiévale, il offre, entre les fenêtres, un poêle et un grand buffet-armoire Moyen Age sculpté ; en face on trouve un banc à dossier, de même style, ainsi qu’une étagère entre les deux portes du corridor et du grand salon. Les meubles regorgent de vases et de porcelaines, une panoplie d’armes anciennes y est accrochée. Enfin des portières de damas rouge puis un plafond du même tissu posé en 1837 achèvent ce décor. En novembre 1840, cette pièce est transformée en salle à manger lorsque Mme Hugo installe sa chambre dans la précédente; on recouvre alors d’un vieux tapis persan le sol de marbre.

Ce premier salon est séparé de la salle à manger côté cour, par un corridor. Celle-ci comporte une cheminée de carreaux de faïence historiés… Victor Hugo créera le même type de cheminée pour la salle à manger d’Hauteville House. Mme Hugo y installera sa chambre en 1840. Ces deux pièces et le couloir se partageaient l’espace de l’actuel salon rouge.

Visite de l'appartement avec Gustave Masson, en 1839

Un jeune homme chez Victor Hugo

Lire la suite

Le grand salon (actuelle salle 3 du musée « salon chinois »)

Longeant la façade où court un long balcon – aujourd’hui disparu –  on accède ensuite au grand salon qui communique par une porte sur l’arrière avec le couloir desservant les chambres. C’est surtout ce grand salon qu’évoquent les visiteurs, énumérant les membres du cénacle romantique, les artistes, écrivains, hommes politiques et personnalités qui s’y pressent. C’est aussi la seule pièce dont nous ayons une représentation dont le dessinateur n’est pas identifié, datée de 1847.

Le sol est recouvert d’un immense tapis et les parois tendues du fameux damas rouge dominant dans la demeure. Sur le mur, face à l’entrée, la cheminée enveloppée d’une tapisserie garnie de clous dorés est entourée de placards dont les portes sont dissimulées sous des tentures de soie précieuses, à fond rouge à droite et à fond bleu à gauche. Pour mobilier, des consoles de bois doré, un divan de bois sculpté couronné d’un dais de velours. La rumeur perfide fait de ce canapé à baldaquin le « trône » de Victor Hugo régnant sur l’école romantique qui se presse dans ce salon. Le fameux jeu de mot de Théophile Gautier sur le « dais du dey » a entrainé une confusion, car la bannière ottomane provenant de la prise d’Alger, offert au poète par le lieutenant Eblé, se trouvait sur le mur en face ainsi que le montre le dessin.

Les portraits d’apparat ornent ce lieu de réception : le buste en marbre de David d’Angers sur son piédestal tendu de soie rouge et orné de clous dorés, Mme Hugo peinte par Louis Boulanger, le maître de maison avec son fils François-Victor par Auguste de Châtillon, le Général Hugo en pied, Léopoldine par Dubufe. En juillet 1837, on y accroche la toile de Saint-Evre, Inez de Castro, que le duc et la duchesse d’Orléans viennent d’offrir à Victor Hugo. C’est sans doute devant la porte du fond de ce salon qu’a été peint par Auguste de Châtillon, le portrait de Victor Hugo avec son fils [François-]Victor de même qu’il est probable que dans le portrait de Léopoldine au livre d’Heures la jeune fille est assise sur un fauteuil de ce salon.

Visite de l'appartement avec Jacques-Édouard Lebey de Bonneville, en 1844

Le journaliste Jacques-Édouard Lebey chez Victor Hugo

Lire la suite

Sur l’arrière, dans l’aile en retour, à l’inverse de la circulation actuelle, un couloir situé le long du mur, éclairé de petite fenêtre comme cela s’observe encore aux autres étages, dessert les chambres qui donnaient sur la cour.

Les chambres de Mme Hugo et des filles (actuelle salle 4 du musée « salle à manger »)

L’actuelle salle 4 du musée était divisée en deux, entre les fenêtres, avec des cheminées sur chaque côté du mur mitoyen. La première, plus proche du grand salon était celle de Mme Hugo, jusqu’à ce qu’en 1840, où elle s’installe dans l’ancienne salle à manger. Malgré des versions différentes, on peut penser que les filles se partageaient la chambre suivante mais que Léopoldine devenant adulte on attribua une chambre séparée à chacune.

VISITE DE L'APPARTEMENT EN 1846

Visite de l'appartement avec Eugène Woestyn

Lire la suite

La chambre des garçons ? (actuelle salle 5 du musée « petit cabinet »)

La pièce voisine est mal documentée cabinet de toilette ou plus vraisemblablement chambre des garçons, Charles et François-Victor, qu’aucune source ne mentionne autrement.

Visite de l'appartement avec Charles Dickens, en 1847

L'appartement de Victor Hugo vu par Charles Dickens

Lire la suite

Le cabinet de travail et la chambre de Victor Hugo (actuelles salles 6 et 7 du musée)

Il est possible que ces deux dernières pièces aient été remaniées et séparées différemment de ce qu’elles étaient à l’époque. La chambre de Victor Hugo étant la première, avec une seule fenêtre (à l’inverse de la situation actuelle où elle compte deux fenêtres), et ensuite le cabinet de travail selon le témoignage même de Victor Hugo (« À l’extrémité de l’appartement était le cabinet du maître de la maison, ayant une issue sur l’escalier de service. »). Il serait aussi plus logique que cette pièce importante soit la plus grande. Hugo a lui-même évoqué son espace de travail dans un poème des Voix intérieures, « A des oiseaux envolés ». Le sol du cabinet de travail, de carreaux bruns et de parquet est recouvert de tapis, des rideaux vert et or encadrent les vitraux historiés qui filtrent la lumière. Une glace historiée en bois sculptée surmonte un divan de damas vert, sur la table est posée une boussole dite de Christophe Colomb, portant la date 1489 et l’inscription Dans la chambre, les murs et la porte sont tendus de damas rouge, une tapisserie sert d’alcôve. En 1837, on fixe au plafond, une peinture, selon une tradition Le Moine rouge d’Auguste de Châtillon, où un religieux en flamboyante robe rouge lit une bible allongé près d’une femme nue qui lui sert de lutrin.

Visite de l'appartement avce les insurgés de juin 1848

Victor Hugo se souvient de son appartement, place Royale

Lire la suite

Pour aller plus loin