Les restaurations 2017-2019
Cette rénovation de grande ampleur a été réalisée grâce au mécénat exclusif de Pinault Collection et à la Ville de Paris. Son ambition était double : mener à la fois des travaux assurant la sauvegarde de la maison et des restaurations destinées à retrouver l’aspect visuel d’origine des décors tels qu’ils avaient été conçus et réalisés par Victor Hugo lui-même.
Restaurer la maison
La pluie fut de tout temps l'ennemie de Hauteville House. Les infiltrations étaient signalées du vivant de Victor Hugo, dues en grandes parties à ses propres aménagements. La serre, de bois et de verre, adossée à la maison et au mur de clôture du jardin, s'était beaucoup détériorés avec le temps. Elle avait été profondément remaniée dans les années 1950 avec une conception qui s’est révélée préjudiciable. Il a donc fallu déposer complètement la structure puis la restituer dans les dispositions visuelles que lui avait données Victor Hugo (modification de la verrière, réouverture des fenêtres coulissantes en façade sud, restitution de la structure en bois dans son intégralité, etc.) et, sous l’aspect technique, de lui conférer la solidité nécessaire pour accueillir le public dans le respect des contraintes règlementaires applicables.
Il en a été de même pour le look-out, pièce vitrée installée sur le toit par Victor Hugo qui en fit son lieu d'écriture. La structure a dû être reprise afin de garantir l'étanchéité et de pouvoir restituer les décors.
Par ailleurs, la maison a retrouvé sa polychromie d'origine avec le ton gris de l'enduit traditionnel et le vert vif choisi par Victor Hugo pour les huisseries et les garde corps.
Ces principaux chantiers et d'autres opérations plus techniques fut confiés à Riccardo Giordano, architecte en chef des monuments historiques.
Restaurer les décors
Le vestibule
Le vestibule a retrouvé sa couleur d'origine et sa luminosité. Le papier peint panoramique que Victor Hugo avait placé en haut des murs et au plafond pur réaliser un effet de pergola a été remplacé par un nouveau, toujours fabriqué à partir des plaques de bois d'origine par la maison Zuber. Les stores en bambou peint ont été nettoyés et consolidés. Le bas-relief sur des thèmes de Notre-Dame de Paris, identifié à cette occasion comme un cadre créé par le peintre romantique Antoine Rivoulon a lui aussi été restauré.
Le salon rouge
Du fait de l’usure naturelle de la soie, le damas qui tendait les murs et les sièges, avait disparu et avait été plusieurs fois remplacé. Son dessin d’origine ayant été retrouvé dans les archives de la maison Pierre Frey, il a pu être retissé à l’identique en étalonnant la couleur sur des fragments retrouvés. Les broderies chinoises sur soie couleur ivoire de la porte et du lambrequin de la cheminée, très dégradées ou disparues ont été redessinées d’après les éléments subsistant et les photographies anciennes puis rebrodées par Lesage Intérieurs. Elles permettent de rendre au salon ce contraste lumineux, blanc et coloré, qui avait disparu. Les grandes portes de laque rouge et or ont aussi été restaurées de même que la plupart des éléments mobiliers - dont la petite table en marqueterie Boulle - et des sièges et les figures porte-torchères de la cheminée. Dernière touche spectaculaire, la restitution à l'identique du grand lustre d’éclairage au gaz. par l'établissement Chanp-Viron Olivier Lagarde. Cette pièce qui constituait l’une des priorités de cette campagne retrouve ainsi l’apparence qu’elle avait lorsqu’elle sortit de l’imagination de Victor Hugo et qu’il y lisait à ses proches les pages qu’il venait d’écrire.
La galerie de chêne
La galerie de chêne avait perdu la continuité de son décor pourtant essentielle pour Victor Hugo qui traitait tout l'espace - murs, sol et plafond - comme un tout, ne laissant aucune surface sans décoration. La tapisserie du XVe siècle, illustrant la vie de la Vierge, avait été vendue avant la donation de la maison. Elle a pu être restituée en fac similé, par impression numérique, d'après l'originale aujourd’hui conservée au musée de Cluny (Paris). On s'est aussi attaché à restituer la moquette visible sur les premières photographies de la galerie de chêne, que Victor Hugo désignait comme "le tapis blanc de mon appartement". Ce travail a été mené avec l’entreprise Ege carpet d'après les documents anciens. Enfin, des opérations de consolidation sur les cuirs ont été réalisées et la patine des meubles palier par la lumière du côté des fenêtres a été rééquilibrée. En 2022, les appliques qui éclairaient la pièce de part et d'autre de la cheminée ont été recréées à l'identique.
Le look-out
Avant la construction du look-out en 1862, Victor Hugo travaillait dans la pièce qui aujourd’hui la précède. C'est là qu'il reprit et termina Les Misérables. L’adjonction de bibliothèques vitrées appuyées sur les sofas et l'usure du feutre devenu lacunaire avaient fait perdre à la pièce son aspect d’origine et ce sentiment d’enveloppement dans un nid de verdure, que l’on perçoit sur la photographie d’Edmond Bacot prise en 1862. Cette pièce, symboliquement importante, devait bénéficier d’une rénovation complète lui redonnant son aspect original. Les bibliothèques ont été déposées, le feutre des parois et des sofas ainsi que la brocatelle du plafond ont été reposés. La carte des îles anglo-normandes utilisée par Victor Hugo pour la rédaction des Travailleurs de la mer a été restaurée, mais pour d’évidentes raisons de conservation, elle est remplacée ici par un fac-similé dans le cadre d’origine ; de même que le dessin Ecce Lex (Le Pendu), protestation contre la peine de mort, qui depuis Jersey a toujours été accroché dans le cabinet de travail du poète.
Plus encore que son antichambre, le look-out est devenu la pièce emblématique de l’écrivain à Hauteville House. Mais, exposée aux fortes variations climatiques, à l’humidité et la lumière, cette "cristal room", selon les mots de Hugo, s'était très altérée au fil des années. Des problèmes structurels dus à sa conception et à sa construction ont nécessité une réponse globale avec la réfection complète de la structure. Le revêtement mural du même feutre imprimé que l’antichambre a été restitué. Les sofas ont été recouverts de tapis turcs et les miroirs restaurés. Une autre opération spectaculaire a été de retrouver la polychromie des panneaux gravés et peints qui ornaient les bas des portes ainsi que la frise qui courait à la base de la verrière. Ce travail s’est appuyé sur d’infimes restes de couleurs dans le creux des gravures et sur la comparaison avec les panneaux du décor de Hauteville II, la demeure de Juliette Drouet, aujourd’hui conservés place des Vosges.
Restaurer le jardin
Les photographies d’époque témoignent du jardin d'aspect sauvage qu'avait voulu Victor Hugo. C’est dans cet esprit que le paysagiste Louis Benech a redessiné le jardin et mis en œuvre de nouvelles plantations. Une allée a été supprimée pour recentrer la Fontaine aux serpents. Le Chêne des États-Unis d'Europe, planté par Victor Hugo a été dégagé. Les camélias, plantés par Victor Hugo pour cacher la serre mais qui depuis quelques années bouchaient aussi les superbes vues vers l'archipel et « vers la France », ont été retaillés. Avec un peu de patience on retrouve au travers des branches l’horizon et les côtes si chères et si essentielles au maître des lieux.