Les photographies

Dans les années de l’exil à Jersey, entre 1852 et 1855, la photographie devient une affaire de famille. Hugo se montre très attentif à cet art tout jeune. Il en perçoit l’usage politique pour diffuser en France son image d’exilé. Il en devine aussi les promesses éditoriales. Ainsi, ses fils Charles – dans une moindre mesure François-Victor – et Auguste Vacquerie organisent un véritable atelier photographique à Marine Terrace. « L’atelier de Jersey » représente une aventure singulière, à la fois regard sur le paysage – inspirant parfois les dessins de Victor Hugo – et témoignage des proscrits en exil.

Si Victor Hugo a, par deux fois au moins, fait réaliser son portrait au daguerréotype, à la fin des années 1840, c’est de l’exil que date la véritable rencontre de l’écrivain avec la photographie.

Grâce à Edmond Bacot, un photographe caennais venu à Jersey soutenir la cause des Proscrits, Charles Hugo et Auguste Vacquerie mettent en place « l’Atelier de Jersey » entre 1852 et 1855 – atelier photographique installé dans la serre de Marine Terrace. Un projet commun de livre sur les îles de la Manche, illustré de photographies anime le groupe. Si le livre ne voit pas le jour, il reste à l’origine d’une intense production de tirages sur papier salé marquants cette période féconde et inventive dont le musée conserve l’une des principales collections.

Parallèlement, Victor Hugo comprend vite l’intérêt artistique et médiatique du médium. Il se montre complices des mises en scène qui fixent l’image du poète proscrit regardant la France depuis les rochers de Jersey. L’atelier se donne aussi pour mission de conserver la mémoire des exilés dont les portraits vont remplir de nombreux albums souvenirs (Album des proscrits, Album Allix, Album Philip Asplet…) parfois agrémentés de peintures ou de collages par Charles Hugo.

Cette activité se poursuit à Hauteville House à Guernesey à partir de 1855, où un petit laboratoire est installé entre le salon de tapisseries et l’atelier ; le départ de Vacquerie et de Charles y met fin. L’amitié et l’estime nouées entre Hugo et Edmond Bacot ne se démentent pas et c’est à celui-ci que revient l’honneur de photographier la maison en 1862. Ce premier reportage inaugure l’attrait que cette demeure va exercer sur les photographes jusqu’à aujourd’hui.

L’intérêt du poète pour la photographie se lit aussi dans les nombreux tirages qu’il a conservés pour leur valeur documentaire ou artistique. Il se lie d'amitié avec d’autres photographes comme Étienne Carjat et Nadar ou encore Arsène Garnier installé à Guernesey, qui fixeront à jamais l’image d’un Victor Hugo patriarche, à la barbe et aux cheveux blancs, restée dans notre mémoire collective. Julia Margaret Cameron, célèbre photographe anglaise de la période préraphaélite lui envoie à Guernesey une trentaine de clichés en signe de reconnaissance et d’admiration. Cette valeur d’hommage de la photographie est aussi sensible dans les portraits, souvenir accompagnant les lettres de ses amis écrivains comme Alexandre Dumas ou George Sand.

La mort du poète n’interrompe pas ce dialogue avec la photographie. Ses funérailles sont l’occasion de nombreux clichés qui fixe la mémoire de l’événement. Du portrait d’acteur à la photographie de plateaux, le théâtre de Victor Hugo trouve une nouvelle postérité, tout comme les films qui sont tirés de son œuvre. Aujourd’hui encore, les photographes restent fascinés par la singulière création qu’est Hauteville House dont leurs images saisissent le temps suspendu.

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